Nos combats pour la justice climatique

L'affaire est assez simple et les scientifiques sont unanimes : si nous voulons maintenir le réchauffement global sous le seuil des 2°C, nous devons laisser 80 % des combustibles fossiles dans le sous-sol.

La solution coule alors de source : il faut cesser l’exploitation des charbon, pétrole et gaz, arrêter de construire des infrastructures pour les énergies fossiles et rediriger les fonds vers le développement des énergies renouvelables.

Quel point commun entre les gens du voyage installés au pied de l’usine Lubrizol, les pêcheurs de Cassis, une enseignante marseillaise et un ouvrier du bâtiment ? Ils sont victimes de violences environnementales. Les premiers respirent les fumées toxiques d’un site Seveso. Les deuxièmes remontent dans leurs filets des poissons couverts de boues rouges. La troisième enseigne au milieu des poussières d’amiante. Les derniers sont en première ligne du réchauffement climatique.

Qui peut encore nier que ce sont les plus faibles qui d’abord subissent les crises et crimes écologiques de plein fouet ? La pandémie du Covid-19 l’a montré à nouveau avec la surmortalité au sein des populations les plus fragiles économiquement : nous ne sommes pas toutes et tous égaux face aux crises sanitaires et environnementales.

Dès lors l’écologie est aussi une affaire de justice sociale dont les différentes expressions et nombreux ressorts et sont largement développés dans « Ensemble nous demandons Justice, pour en finir avec les violences environnementales » co-écrit avec Priscillia Ludosky.

A force de violer les droits de la nature, dont le plus essentiel est le droit à la vie, celui de pouvoir se régénérer à un rythme naturel, nous risquons le plus dur des jugements : la disparition. Des siècles durant, nous avons construit un monde où l'être humain domine l'environnement, jusqu'à oublier que nous en faisions partie.

Nous sommes confronté-es à l'effondrement d'écosystèmes entiers et sommé-es d'évoluer pour prendre en compte la nécessaire harmonie avec les communs naturels qui conditionnent notre (sur)vie. Le respect des droits de la nature conditionne le respect des droits humains. Il n’y a pas de dignité humaine dans un monde dégradé.

Face à la multiplication d'activités et de projets polluants ou destructeurs, il faut accorder à la nature un statut qui permette de défendre, en son nom, ses intérêts. Reconnaître ses droits, donner un statut juridique aux écosystèmes et leur ouvrir la possibilité d'être représentés en justice et dans nos prises de décision, pourrait - par exemple - nous éviter l'intoxication par l'épandage massif de pesticides, la perte des écosystèmes par la démultiplication des barrages, les maladies par la pollution industrielle, les chocs dus au dérèglement climatique. 

Face à la multiplication d'activités et de projets polluants ou destructeurs, il faut accorder à la nature un statut qui permette de défendre, en son nom, ses intérêts. Reconnaître ses droits, donner un statut juridique aux écosystèmes et leur ouvrir la possibilité d'être représentés en justice et dans nos prises de décision, pourrait - par exemple - nous éviter l'intoxication par l'épandage massif de pesticides, la perte des écosystèmes par la démultiplication des barrages, les maladies par la pollution industrielle, les chocs dus au dérèglement climatique.

D’autres pays ont ouvert la voie. L'Equateur et la Nouvelle-Zélande ont par exemple octroyé un statut à la forêt Amazonienne et au fleuve Whanganui. Ailleurs, des collectivités locales ou des peuples autochtones ont accordé des droits aux communs naturels et aux écosystèmes, notamment celui le droit d'être représentés dans les délibérations collectives et la prise de décision politique. Dans la région Centre, une initiative est née, portée par le Pol’au et soutenue par les pouvoirs publics : un Parlement de la Loire.

Nos sociétés ont développé des lois et des statuts juridiques pour gérer les interactions entre tous les sujets de droit. Pour les êtres humains, puis progressivement pour les "entités morales", comme les États ou les entreprises, dont la voix peut compter dans les délibérations ou décisions politiques et qui peuvent défendre leurs intérêts devant la justice. Il est temps que la Nature se voie à son tour reconnaître des droits..

La reconnaissance des graves atteintes à la planète est en sommeil depuis déjà trop longtemps. Il s'agit d'inscrire dans le droit le crime d'écocide, ces actions ayant causé un dommage écologique grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulter et qui ne pouvaient être ignorées.

Cela fait 50 ans que la proposition est en discussion. De nombreux juristes œuvrent à la reconnaissance du crime d’écocide depuis les années 70. En 2019, en France, deux propositions pour la reconnaissance du crime d'écocide ont été rejetées au Sénat, puis à l'Assemblée nationale. Plus récemment, les 150 citoyennes de la Convention citoyenne pour le climat ont retenu le crime d'écocide à 99,3% parmi les propositions élaborées durant neuf mois, pour être adoptée “sans filtre” par référendum par les français-es.

Bonjour

Il y a urgence. Le climat se réchauffe de plus en plus vite. Les limites planétaires sont en grande partie dépassées, la biodiversité est menacée, la déforestation continue à nous rendre plus vulnérables aux pandémies zoonotiques comme celle du Covid 19 que nous venons de vivre. 2 milliards de personnes seront contraintes de quitter leurs domiciles d'ici 2100.

Malgré cela, les crimes environnementaux ne sont encore couverts que très partiellement par le droit actuel. Le « Principe de précaution » qui figure à l’article 5 de la Charte de l’environnement annexée depuis 2005 à la Constitution française ne suffit pas à faire primer les droits humains sur ceux du commerce. Les atteintes les plus graves aux écosystèmes terrestres restent non sanctionnées. Le droit international doit être amélioré pour mieux protéger l’environnement, et donc inclure le crime d’écocide. C'est la recommandation formulée par cinq juges en 2017, à la suite du tribunal Monsanto. Ces magistrats ont estimé que, face aux coups que les multinationales portent aux droits humains fondamentaux, il fallait une meilleure régulation: « Le temps est venu de proposer la création d’un nouveau concept juridique : le crime d’écocide, et de l’intégrer dans une future version amendée du statut de Rome établissant la Cour pénale internationale ». Un nouveau crime international qui permettrait de poursuivre des personnes physiques mais aussi des entités morales.

Mais nous pouvons déjà reconnaître le crime d’écocide et l’inscrire dans nos droits nationaux et européen. C’est ce à quoi nous œuvrons sans relâche.

Chaque semaine plus de 3 personnes sont tuées dans le monde parce qu’elles défendent les communs naturels, leurs terres, ou simplement leurs droits face aux industries de l’exploitation minière, forestière ou agroalimentaire. Tous les jours, des femmes et des hommes qui défendent la nature sont agressés, réduits au silence, diffamés, arrêtés, menacés de mort. Les protecteurs et protectrices de l’environnement sont des cibles.

L’ONG Global Witness le souligne : ce harcèlement des défenseuses et défenseurs de l’environnement est mené par les mafias ecocriminelles, mais aussi par des États qui mettent en place des politiques qui n'ont d'autres propos que de criminaliser et d'intimider les écologistes.

Alors bien sûr, cela se passe le plus souvent hors de nos frontières : comme au Brésil de Bolsonaro où quatre pompiers volontaires de la Brigada de Alter do Chão, parmi lesquels un employé de l’ONG Saúde e Alegria, ont été arrêtés fin novembre 2019 et accusés d’avoir allumé les feux qu'ils combattaient. Mais ces attaques ont aussi lieu ici, sur le territoire de l’Union Européenne, avec les garde-forestiers roumains; avec Rémi Fraisse, tué par une grenade de la police française ; avec les trois militants anti fracking condamné à de la prison ferme au Royaume-Uni. Ils protégeaient la nature, mais personne ne les a protégés.